Le bateau est suffisamment avancé pour une mise à l’eau. C’est bientôt Noël (c’est nouveau mais je ne vous apprends rien), ça fait deux jours qu’il pleut sur le Sud de la Nouvelle Calédonie, les flamboyants flamboient, les mangues prennent du volume, l’alizé s’essouffle ; la saison des dépressions approche. Ce serait stupide de mettre un prao sans gréement à l’eau maintenant, d’autant plus qu’il n’y a pas de corps-mort et que toutes les zones de mouillage des environs sont bondées (lire plus bas).
Les derniers travaux en date portaient sur la passerelle (liaison entre le cockpit et le balancier) bordée de filets, les articulations de safran et l’adaptation d’un moteur hors-bord sur le flotteur.
Le premier essai de la voile sur l’annexe était si peu glorieux que ça ne vaut pas la peine d’en causer. C’était « juste pour voir » et on a vu. Plein de petites améliorations à bricoler et viser de meilleures conditions de vent avant de remettre ça.

La radio diffuse un reportage sur une association qui a pour objet d’explorer le « continent plastique ». Ça va finir par me faire enrager sérieux tous ces gens qui se collent une étiquette sur la conscience pour donner l’impression de naviguer utile. A-t’on besoin d ‘embarquer une poignée de scientifiques pour prélever des morceaux de plastique au milieu de l’océan ? Faut-il encore convaincre que ces déchets sont néfastes à la faune environnante ? Les gusses font aussi de la pédagogie en cabotant d’une école à l’autre. Le long de l’arc antillais. C’est plus agréable que de louvoyer en RER d’un lycée de banlieue à l’autre, où la production de déchets doit pourtant être bien supérieure.
Les militants activistes qui attaquent les industriels de l’emballage emploient des méthodes qui leur limitent l’accès aux médias et leur retirent tout espérance de subvention. Si on veut agir contre ce fléau plastique dans la mer, il faut changer et faire changer un mode de vie. Et changer c’est déranger. Tremper une épuisette dans la gyre de l’Atlantique Nord ne dérange pas. On trouve même ça plutôt bien. Pas moi. Il y a eu une panne de congélateur lors de la dernière « expédition » continent plastique (je n’ai jamais eu de congélateur, encore moins sur mes bateaux, on s’en passe) Peut-être qu’à l’escale suivante ils ont bazardé le vieux frigo, son huile et son HFC, un peu d’isolant aussi, et l’ont remplacé par un neuf, parce qu’on ne sait pas obtenir le petit circuit intégré d’un demi-gramme dont le code est effacé pour en garantir l’anonymisation.

Avant que je me lance dans la construction du prao, j’avais été approché par un organisme qui tente de fabriquer des bateaux « écoresponsables » à partir de matériaux moins polluants que ceux communément utilisés. La démarche est louable. Ce qui sape mon enthousiasme, c’est l’ambition d’industrialiser leur procédé pour produire en série.
J’ai déjà fait part de mon plaisir de voir naviguer beaucoup de bateaux devant Nouméa. Pourtant il doit y avoir 9 embarcations sur 10 verrouillées au mouillage ou au ponton (la proportion doit avoisiner les 95 % dans les pays visités par l’hiver). Alors pourquoi fabriquer d’autres bateaux si le nombre de gens qui naviguent est limité ? Même si un constructeur arrive à maîtriser le « vert » d’une coque, on y rajoutera de la peinture, un moteur plein d’huile, des voiles en fibre synthétique résistant aux UV, un frigo…
La construction de la plateforme de BIFIDULE a engendré deux sacs poubelles de cinquante litres de déchets. Certains bateaux en produisent le double lors d’un simple carénage. Il faut également ajouter les chutes de contreplaqué (qu’un copain a récupérées pour bricoler ou brûler), les cartons support du tissu de verre et trois pots de peinture vide qui servent de seaux mais ça ne durera pas. Les bidons de résine et durcisseur (90 kg en tout) ont servi plusieurs fois puis je les ai rendus à Olivier, mon fournisseur. Je n’ai usé que sept pinceaux et cinq rouleaux nettoyés au vinaigre (un litre et demi à ce jour) après chaque utilisation. Pas un cm² de peelply ni de bâche à vide ou tissu drainant. Une main de papier de verre, une vingtaine de disques à poncer, trois disques à lamelles pour la meule. 12 litres de primaire époxy et 15 de peinture alkyde (que je n’ai pas fini d ‘étaler). En définitive on peut affirmer que l’impact de cette construction sur l’environnement est ridiculement faible. D’aucun diront que ça rattrape les deux coques en polystyrène qui dérivent peut-être encore dans le canal du Mozambique… C’était involontaire et je promets de ne pas recommencer.

Pour tenter moi aussi d ‘obtenir des subventions (y a pas de raison) je vais donc créer une association. L’APD, Association de Protection et Défense, faut rester vague, dont voici la ligne conductrice : »Face à une problématique émergente, il est indispensable de rassembler les acteurs concernés pour un moment privilégié de partage et d’échange. Un comité de pilotage établira la feuille de route précisant le rôle de chaque référent et reflétant la transversalité de la stratégie. On n’hésitera pas à consulter des intervenants extérieurs afin de développer de futurs partenariats . » En trois phrases on comprend tout. Il n’y a rien à dire, c’est tout. Merci aux nombreux adhérents.
Génial!
va voir ca aussi!
https://sailingpeerliane.wordpress.com/